(A Paris, le 20 décembre 2020) Le 18 décembre a été célébrée par l’ONU la journée internationale des Migrants. Nos associations, Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, Secours Catholique-Caritas France, appellent les responsables politiques et les élus à s’engager dans une approche constructive et non défensive afin que la politique d’accueil des personnes exilées en France soit respectueuse de la dignité de ces personnes.

La crise sanitaire a été un événement brutal qui a exacerbé les profondes inégalités de nos sociétés européennes. Les personnes précaires ont été à la fois les « premières de corvée » et les plus durement frappées du fait de leurs conditions de vie – ou de survie, de logement, de la raréfaction voire de l’absence de ressources et de leur éloignement des soins. Parmi les plus démunies, les personnes étrangères ont vu leur précarité souvent aggravée.

Aux frontières de l’Union européenne et sur notre territoire, des hommes, des femmes et des enfants en quête d’asile ont dû faire face à des conditions sanitaires exécrables. En pleine pandémie, ces personnes ont été tantôt enfermées dans des camps surpeuplés (dans les îles grecques ou en Bosnie), tantôt laissées à la rue sans possibilité de se protéger (à Vintimille, Menton, sur le littoral nord ou encore en Ile-de-France), lorsqu’elles n’ont pas été abandonnées à leur mort en mer faute d’organisation volontaire des secours par les Etats européens.

En France, depuis des années, nous voyons se déployer une politique qui tend à dissuader les personnes exilées de venir sur notre territoire. Celle-ci se traduit par des pratiques administratives et policières condamnables et par un dispositif d’accueil dégradé qui porte atteinte au respect des droits humains : graves manquements au devoir de protection des mineurs isolés, entraves au droit à l’asile, carences et dysfonctionnements des dispositifs de prise en charge sanitaire et sociale, comportements intimidants voire brutaux de la part des forces de l’ordre, limitation de l’accès aux soins. Sur certains territoires, les réponses apportées par les autorités nationales sont particulièrement répressives : évacuations policières quotidiennes des lieux de (sur)vie, privations arbitraires de liberté, refoulements en cascade, harcèlement et poursuites pénales à l’encontre des personnes venant apporter une simple aide humanitaire.

Cette politique assumée du déni des droits ne peut plus durer.

L’expérience de ces dernières années fait la preuve que la répétition permanente des mêmes réponses déshumanisantes est sans issue. La politique visant à dissuader ces personnes et à les rendre invisibles, en les empêchant d’accéder à leurs besoins essentiels, en les chassant du moindre campement constitué, en les enfermant, en les renvoyant de l’autre côté de la frontière, en détruisant leurs affaires n’a jamais apporté aucune solution, sinon des souffrances supplémentaires.

Il est plus que temps de changer de paradigme et de s’engager dans une approche résolument constructive, basée sur le dialogue.

Nous appelons donc à la mise en place d’un espace de concertation pour concevoir au plus tôt une politique d’accueil des personnes migrantes à même de préserver les libertés et les droits fondamentaux de toutes et tous.

Cet espace gagnerait à rassembler, aux côtés des personnes concernées, l’ensemble des acteurs : l’Etat, les collectivités territoriales, les parlementaires, les acteurs économiques, les organisations syndicales, les associations, les chercheurs.

La création d’une commission d’enquête parlementaire – commission que nous appelons de nos vœux depuis 18 mois – est l’un des outils que les parlementaires peuvent saisir afin de vérifier la réalité des violations des droits fondamentaux des personnes migrantes puis de proposer des mesures concrètes afin d’y remédier. D’autres instances pourraient sans doute remplir des visées semblables.

Il est temps de sortir du cycle délétère et sans fin de l’inhospitalité élevée au rang de politique.